La cape d’invisibilité n’existe pas encore, mais on s’en rapproche

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Les dernières avancées de la société Vollebak sont tout simplement stupéfiantes, mais où mèneront-elles?

C'est comme si ces quarante-deux panneaux étaient autant de pixels, contrôlables indépendamment les uns des autres. | Capture d'écran Vollebak via YouTube
C’est comme si ces quarante-deux panneaux étaient autant de pixels, contrôlables indépendamment les uns des autres. | Capture d’écran Vollebak via YouTube

Il y eut Predator, la cape de Harry Potter, l’Aston Martin de James Bond dans Meurs un autre jour, et tous les personnages plus ou moins inspirés de l’œuvre de H.G. Wells. Qu’elle concerne les objets ou les êtres, l’invisibilité fait fantasmer. Et les avancées scientifiques, de plus en plus impressionnantes, nous permettent peu à peu de toucher cet étrange rêve du doigt.

En 2016, la recherche a montré qu’en vertu des lois fondamentales de la physique, il fallait renoncer à l’idée selon laquelle la fabrication d’une véritable cape d’invisibilité serait un jour envisageable. Un tel dispositif nécessite de composer à chaque instant avec un quantité certaine de longueurs d’ondes différentes, à moduler pour rendre les objets invisibles.

Wired, qui dresse l’historique des inventions ayant permis de se rapprocher de l’invisibilité sans pour autant la tutoyer, évoque toutefois une invention canadienne datant de 2019 qui, en déviant la lumière censée arriver sur un objet, parvient à le rendre globalement imperceptible –sans pour autant aboutir à un résultat parfait. En 2020, c’était au tour du ministère israélien de la Défense d’annoncer que sa collaboration avec l’entreprise Polaris Solutions avait mené à la conception d’une veste de camouflage capable de s’adapter à l’environnement. Et donc, de rendre le sujet quasiment invisible.

Vive le graphène

L’entreprise Vollebak, basée au Royaume-Uni, vient d’effectuer une avancée spectaculaire dans le domaine. Connue pour différentes inventions (vêtements pare-balles haute technologie, t-shirts compostables…), la société a dévoilé l’existence d’un prototype de veste de camouflage thermique sans doute plus performante que n’importe quel dispositif d’invisibilité conçu auparavant: elle est vraisemblablement capable de duper les caméras thermiques.

«Nous pensons à l’invisibilité depuis que nous avons lancé l’entreprise, explique Steve Tidball, cofondateur de Vollebak. Nous avons annoncé que nous voulions produire les vêtements du futur, et c’est là que beaucoup, vraiment beaucoup de consommateurs nous ont écrit pour nous parler de cape d’invisibilité.» C’est en tombant sur des photos d’un matériau innovant à base de graphène, capable de duper une caméra infrarouge, que Tidball a eu envie de se lancer dans ce projet fou.

Vollebak a travaillé avec Coskun Kocabas, professeur à l’Université de Manchester et au National Graphene Institute. Leur partenariat a commencé en 2019, il y a donc trois ans à présent. «Quand nous avons démarré ce projet, nous pensions que ce serait fait en trois mois, avoue Steve Tidball. J’ai sous-estimé le challenge que constitue le fait de travailler avec de tels matériaux et de produire du textile», confie quant à lui Coskun Kocabas. Mais la pugnacité a payé, et les voici prêts à dévoiler leur projet de veste de camouflage thermique.

Pour contrecarrer les impossibilités physiques mises en lumière en 2016, une technologie à base de couches de graphène a été employée. «C’est le seul matériau qui nous permette de créer des surfaces optiques ajustables», énonce le professeur.

La veste obtenue est constituée de quarante-deux panneaux de graphène d’environ 5 centimètres carrés, résultant d’un empilement d’une centaine de couches ultra-fines. Les panneaux sont collés à l’extérieur de la veste, qui est contrôlée en modulant la densité en électrons de ce matériau. Ce processus permet de s’assurer que le graphène, absorbant au départ, puisse réfléchir les radiations thermiques infrarouges.

Pixels

En fait, résume Wired, c’est comme si ces quarante-deux panneaux étaient autant de pixels, contrôlables indépendamment les uns des autres. «Il ne s’agit pas juste de les allumer et de les éteindre, explique Tidball, mais de contrôler les radiations thermiques émises par chacun d’entre eux.» La température de la veste ne change pas sous l’effet de ce dispositif; seules les radiations varient.

À terme, l’objectif serait de passer de cette quarantaine de panneaux à des milliers, plus petits, afin d’améliorer la résolution de l’ensemble. Mais l’idée du prototype est déjà de voir comment cela fonctionne en l’état.

Andrea Alù, qui fait partie des scientifiques ayant établi en 2016 que l’invisibilité était impossible, n’a pas souhaité commenter cette invention, estimant manquer de données techniques et scientifiques qui lui permettraient de répondre de façon adéquate.

De son côté, Mario Pelaez-Fernandez, spécialiste du graphène à l’Université de Lille, dit trouver ce protoype «ingénieux et probablement très onéreux», mais émet des réserves quant au fait qu’il puisse vraiment mener à la création d’un camouflage ultime: «Si vous vous teniez devant une source de lumière, vous ressembleriez encore à une ombre.»

C’est encore à Mario Pelaez-Fernandez qu’on doit la conclusion la plus claire qui soit sur ce dossier: «Ils essaient de vendre ça comme une potentielle future cape d’invisibilité alors qu’ils ont déjà un dispositif très cool: une cape d’invisibilité pour caméras thermiques.»

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