Bryan Johnson, le millionnaire américain qui se prend pour Benjamin Button

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À 45 ans, l’entrepreneur s’évertue à enrayer le vieillissement naturel de son organisme en s’imposant un mode de vie strict. Le protocole mis en place lui aurait déjà permis de gagner cinq ans.

Derrière ce travail acharné se cacherait-il une mission d'intérêt public? | Capture d'écran Bryan Johnson via YouTube
Derrière ce travail acharné se cacherait-il une mission d’intérêt public? | Capture d’écran Bryan Johnson via YouTube

Bryan Johnson se prendrait-il pour Benjamin Button? Cet homme d’affaires américain a lancé, en octobre 2021, le projet Blueprint, destiné à inverser le vieillissement de son corps. Une lubie apparue juste après son énorme succès dans la Silicon Valley.

Lorsqu’il crée son entreprise de paiement en ligne en 2007, Bryan Johnson a la trentaine. Il est stressé, profondément déprimé et en surpoids. Il décide alors de vendre sa société pour 800 millions de dollars (746 millions d’euros). Le voilà alors richissime et prêt à reprendre drastiquement sa vie en main, avec un objectif: celui de retrouver le corps d’un jeune homme de 18 ans. Si le projet peut sembler loufoque, le businessman de 45 ans y croit dur comme fer et respecte tout un protocole pour le mener à bien.

Une routine à la «American Psycho»

Tous les matins, Bryan Johnson se lève à 5h du matin. Il effectue une séance de sport d’une heure, composée de vingt-cinq exercices différents, dont trois séances à haute intensité par semaine. Il boit ensuite son jus vert à la créatine, aux flavanols de cacao et aux peptides de collagène. Son alimentation quotidienne se compose principalement de bouillies de légumes, de quelques noix, graines et baies. Ni sucre, ni sel, et uniquement des produits vegan.

Si Bryan Johnson consomme parfois du chocolat –noir, évidemment–, celui-ci doit être non traité et provenir des régions du monde les plus riches en polyphénols. «Ce n’est jamais mon cerveau qui dicte ce que je mange, c’est mon corps», assume d’ailleurs celui qui ingère exactement 1.977 calories par jour, dans une vidéo présentant son programme.

Il y a aussi ses compléments alimentaires et ses suppléments: au total, c’est plus d’une centaine de pilules que le millionnaire avale dans sa journée. Du lycopène pour la santé des artères et de la peau, de la metformine pour prévenir les polypes intestinaux, du curcuma et du poivre noir pour les enzymes du foie, ou encore du lithium pour garder son cerveau en forme.

Ajoutez à cela, pêle-mêle, de la mélatonine, de l’acide hyaluronique, des acides aminés ou des patchs de testostérone. «Ce que je fais peut sembler extrême, mais j’essaie de prouver que l’automutilation et la décomposition du corps ne sont pas inéluctables», se défend le magnat de la technologie.

Les innombrables détails de ce mode de vie millimétré sont méthodiquement renseignés sur le site web du millionnaire.

Toutes les étapes de son quotidien sont optimisées. Après son brossage de dents, il se rince la bouche avec de l’huile d’arbre à thé et applique un gel antioxydant sur sa dentition. Sur sa peau, il étale sept crèmes différentes et s’inflige une fois par semaine des peelings acides et une thérapie au laser.

Tous les soirs, Bryan Johnson se couche à la même heure, 20h30, après avoir porté pendant deux heures des lunettes bloquant la lumière bleue. Sa chambre doit être plongée dans le noir complet et son protocole impose qu’il dorme seul.

Avis aux amateurs: les innombrables détails de ce mode de vie millimétré sont méthodiquement renseignés sur le site web du millionnaire. Mais cette routine si précise et contraignante a-t-elle fait ses preuves?

Un cœur de 37 ans et des poumons d’adolescent

Pour le vérifier, Bryan Johnson subit des tests médicaux à outrance. Lasers, ultrasons, IRM, électrocardiogrammes, prises de sang à répétition et même pilules ingurgitées pour prendre des photos de l’intérieur de son organisme… Autour de lui, son équipe de trente médecins s’affaire à mesurer l’avancement de son vieillissement et les résultats du protocole qu’il s’impose. Chaque organe du corps du millionnaire est scruté, analysé puis manipulé pour en réduire l’âge au maximum. Un investissement de taille: le coût de l’opération s’élèverait à 2 millions de dollars (1,86 million d’euros) par an.

«Je m’occupe d’athlètes et de stars d’Hollywood, et personne ne repousse autant les limites que Bryan», s’extasiait Jeff Tool, l’un des internes de l’équipe, interrogé par Bloomberg en janvier dernier. Et selon lui, le succès est bien là. «Tous les marqueurs que nous suivons se sont considérablement améliorés.»

L’entrepreneur américain clame qu’il ne s’agit pas d’un caprice de nanti: il veut offrir son corps à la science.

Les tests de ses médecins montrent en effet des résultats frappants. Grâce au projet Blueprint, Bryan Johnson aurait déjà réussi à gagner cinq ans, passant d’un âge épigénétique –soit l’âge de ses gènesde 47 ans à 42,5 ans en l’espace de sept mois. «Nous avons réussi à ralentir la vitesse de mon vieillissement de 25%. C’est très excitant et bien plus que ce que nous espérions», affirme le cobaye. Selon lui, son rythme de sénescence serait de 69%, ce qui signifierait que sur une année de 365 jours, il ne vieillirait que de 252 jours –soit quatre mois de gagnés.

Ses poumons: plus jeunes, semblables à ceux d’un ado de 18 ans. Son cœur: plus en forme, pareil à celui d’un homme de 37 ans. Sa peau: lisse et brillante, similaire à celle d’un jeune adulte de 28 ans. Au total, soixante-dix des organes de Bryan Johnson montreraient des signes de jouvence, jusqu’à ses érections que ses médecins comparent à celles d’un adolescent.

Et pour le commun des mortels?

Derrière ce travail acharné se cacherait-il une mission d’intérêt public? L’entrepreneur américain clame qu’il ne s’agit pas d’un caprice de nanti: il veut offrir son corps à la science, pour explorer la sphère de la médecine régénérative.

«Nous essayons de créer le protocole […] parfait, pour le rendre accessible à tous, soutient-il lors d’un entretien donné à Bloomberg. Les gens peuvent l’appliquer, l’améliorer… L’objectif est de montrer que si vous le mettez en œuvre, vous pouvez obtenir des résultats impressionnants, ralentir votre vieillissement et même rajeunir. Ce sont des choses que chacun peut faire: prioriser le sommeil, manger plus de légumes et arrêter les comportements autodestructeurs.»

Bryan Johnson devrait d’ailleurs bientôt se lancer dans de nouvelles procédures expérimentales, et en particulier des thérapies géniques.

Toute cette aventure scientifique est minutieusement renseignée en ligne, et notamment dans une longue vidéo publiée sur YouTube le 25 janvier dernier. Bryan Johnson y explique vouloir atteindre les limites du potentiel scientifique: «Nous avons très peu de contraintes, car je suis prêt à faire tout ce que la science exige.» Une absence d’entraves, notamment financières, qui lui permet de dédier sa vie quotidienne et son argent à son projet.

Si peu peuvent s’accorder ce luxe, c’est justement pour eux que le millionnaire affirme faire «tout le travail». Sur son site web, il affiche d’ailleurs le montant d’un mois d’astreinte: 1.684 dollars et 50 cents (1.570 euros) –une certaine somme, mais bien loin des millions de dollars qu’il dépense. Il a également lancé un autre site, Rejuvenation Olympics, pour encourager le plus de monde possible à lui emboîter le pas.

Pour autant, ce «sacrifice» demeure d’une utilité mesurée. Certes, ses médecins sont convaincus que le projet est révolutionnaire. Même certains experts respectés, spécialistes de la longévité et extérieurs au dispositif, défendent sa méthode, à l’instar du célèbre généticien de l’université de Harvard George McDonald Church: «Je pense que Bryan est très bien intentionné et que ce qu’il fait est probablement très important», confie-t-il à Bloomberg.

Pour d’autres, le programme de Johnson n’est pas réalisable par le commun des mortels, surtout par ceux qui sont atteints de pathologies graves que même la science la plus avancée n’a pas encore réussi à guérir. Même le médecin référent du projet, le docteur Oliver Zolman, reste réservé sur les résultats obtenus et rappelle qu’ils n’en sont qu’au début de l’aventure: «Nous n’avons pas encore obtenu de résultats marquants, mais de petites avancées raisonnables, et c’était à prévoir!»

Le scientifique, spécialiste de la médecine régénérative, concède ainsi que des centaines de procédures restent à tester et qu’il faudra des années avant d’avoir des réponses claires.

Enrayer le vieillissement?

La question que chacun se pose reste évidemment celle de la crédibilité du projet de Bryan Johnson. Sans intervention sur les cellules du corps humain, le rajeunissement ne demeure-t-il pas superficiel? Pour le docteur Gérard Bersand, l’entreprise du magnat est réaliste, sans qu’il soit nécessaire d’investir des millions.

«De nombreuses études ont montré qu’un régime adapté, une activité physique régulière et la prise de suppléments pour améliorer le métabolisme peuvent diminuer notre vieillissement, voire nous aider à rajeunir, confirme le spécialiste de la médecine anti-âge, une discipline consistant à éviter les désagréments liés au temps qui passe. Maintenant, si notre hygiène de vie est effectivement un élément clé, affirmer que son cœur a 37 ans ou sa peau 28 peut relever de la propagande.»

Gérard Bersand perçoit la médecine régénératrice et les thérapies cellulaires comme un élément de la médecine anti-âge, venant s’ajouter à la nutrition, au coaching ou encore à l’hormonologie. Des facteurs complexes qui, selon lui, pourraient un jour permettre une vie en bonne santé jusqu’à 120 ans ou plus. Bryan Johnson devrait d’ailleurs bientôt se lancer dans de nouvelles procédures expérimentales, et en particulier des thérapies géniques. Une étape supplémentaire dans sa cure de jouvence de l’extrême.

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